Le travail à ferrer

Le travail à ferrer, témoin de la vie passée.

Un patrimoine vernaculaire méconnu:

Peu de travails en bois d'époque sont parvenus jusqu'à nous en état de conservation appréciable. A St Laurent la Roche, «sous l'église», il se trouve ici un patrimoine qui se meurt lentement, à la vue de tous, mais dans l'indifférence générale. L'héritage du passé relate une façon d'opérer aujourd'hui révolue, qui laissera les uns et les autres perplexes dans une génération ou deux, lorsque les derniers témoins vivants nous auront quittés! Qui saura encore expliquer l'ingéniosité d'antan? Tant de villages détiennent encore des vestiges du passé, mais souvent dans un état pitoyable.

Le travail à ferrer (au pluriel travails et non travaux) parfois aussi tout simplement appelé travail, est un dispositif plus ou moins sophistiqué. Fixé au sol, conçu pour maintenir et immobiliser les grands animaux, chevaux ou bœufs, lors du ferrage.

Le ferrage était destiné à éviter une usure précoce de la corne des sabots et éviter aussi les maladies. C'était souvent un travail de printemps. Les bêtes étaient préparées pour les gros travaux à venir et le forgeron avait employé ses temps d'hiver à confectionner tout un stock de fers. Dans les années 1950/60 ils étaient d'ailleurs souvent achetés en quincaillerie.

Sans entrer dans la catégorie des outils, le travail est un espace aménagé, constitué d'un bâti robuste dans lequel le cheval ou le bœuf était entravé à l'aide de sangles et de ventrières. Dans la plus-part des cas pour un animal docile, le ferrage est effectué sans l'entraver particulièrement, hormis la tête ou le cou par une simple corde épaisse en laissant du mou. Le maréchal ferrant utilisait le travail pour les chevaux plus difficiles et les vaches ou les bœufs qui ne peuvent rester debout sur trois pattes. A St Laurent la Roche l'usage de ce dispositif a été plus systématique pour les bœufs et les vaches, il y avait très peu de chevaux au village à cette époque.

Cet édicule était installé près de l'atelier du maréchal ferrant, il possède encore toutes ses pièces complémentaires (joug de blocage, porte sabot, treuils latéraux...) et ses ventrières et chaînes d'attaches. Pour St Laurent le dernier maréchal ferrant, encore en exercice dans les années 1960 était Mr Charles Mayet. Son atelier était situé dans une ruelle près de l'église, bâtiment dont il assurait aussi l'entretien, il était le sonneur des cloches officiel et chaque dimanche il devait «monter au clocher» pour remonter le mécanisme de l'horloge.

Jusqu'aux années 1950/60 au vu des reliefs et chemins difficiles, les bœufs (pour les fermes les plus riches) mais bien souvent les vaches furent la principale force de trait dans les villages de notre région jusqu'à la généralisation du tracteur et de la Kiva. On faisait pénétrer l'animal à ferrer dans cette sorte de cage en avançant, on tendait ensuite les sangles et on soulevait la bête qui ainsi ne pouvait plus bouger. Il en sortait par l'arrière, le côté avant du dispositif étant fixe, en l’obligeant à reculer, ce qu'il faisait avec beaucoup de réticence et de temps!

On ferrait chaque ergot (les ongles) des bœufs et des vaches, cela représentait 8 fers, chaque pied est en effet composé de deux ergots aux parois très fines qui impliquaient une grande précision du geste. En réalité, excepté pour les durs travaux, les bœufs étaient surtout ferrés sur les pattes avant. Le fait de tirer de lourdes charges impliquaient qu'ils concentraient leur force sur l'avant alors que les vaches dans leurs travaux exerçaient une plus grande force sur les pattes arrières.

Les fers étaient ajustés à chaud (refroidis), limés pour fixer définitivement le ferrage. La languette métallique était rabattue sur le sabot et la semelle du fer était fixée à l'aide de clous à têtes carrées.

Le travail à ferrer appartient au dit «petit patrimoine rural» au même titre que les lavoirs, fontaines, puits,etc... que l'on peut encore voir sur notre commune. Cet équipement témoin d'un mode de vie aujourd'hui disparu est encore visible  dans quelques localités rurales. Malgré leur modeste apparence, les travails à ferrer méritent une préservation en souvenir des labeurs ancestraux!

BILLET Pierre.

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